Paulu-Battistu Halter : la passion à l’état pur !
Attention danger : cet article respire la passion. Il est fortement déconseillé à tous les allergiques au sport automobile. On vous aura prévenu …
En effet, aujourd’hui nous sommes allés à la rencontre d’un pilote atypique qui s’est lancé il y a une quinzaine d’années dans les formules de promotion (Peugeot puis Citroën) avant de prendre le volant d’une 206 WRC aux couleurs de Yacco, dans le cadre du Championnat de France des Rallyes Terres. Nous étions alors en 2005. Après une longue période d’arrêt, ce Corse aujourd’hui âgé de 34 ans est de retour aux affaires, avant tout pour s’amuser. Mais si vous le voyez passer au bord des spéciales, vous pourrez constater qu’il n’a rien perdu de son sens de l’attaque.
Lui, vous l’avez peut être deviné, c’est Paulu-Battistu Halter (d’un autre coté c’était pas trop dur, il suffisait de lire le titre de l’article). Aujourd’hui négociant automobile dans la belle ville de Porto-Vecchio, il a pris le temps de répondre avec beaucoup de franchises et de passions à nos question. Vous connaissez la formule : Paulu-Battistu Halter est aujourd’hui sur PILOTE-DE-COURSE.COM, c’est pour vous et c’est maintenant. Allez c’est parti …
La passion et les débuts de Paulu-Battistu Halter
A quel âge as-tu commencé à t’intéresser au sport automobile ? D’où te vient cette passion ?
J’ai commencé à m’intéresser aux voitures, et plus particulièrement au rallye, depuis tout petit. Mon père, qui était journaliste et couvrait les événements sportifs, m’a emmené très tôt au bord des spéciales, et c’est devenu immédiatement une véritable passion. C’était l’époque des Lancia Martini, avec notamment l’idole locale Yves Loubet, des Celica, des Sierra, des M3, et du Tour de Corse sur quatre jours. J’étais exempté d’école pendant la semaine du Tour, et on suivait les séances d’essais et la course aux quatre coins de l‘île. Plus tard, avec la création à Porto-Vecchio du Terre de Corse, une manche du Championnat de France Terre, j’ai encore pu m’approcher davantage de ce milieu, et même monter dans la Delta Evo groupe A de Jean-Marc Forconi pour un run… plutôt très impressionnant !
Je faisais pas mal de kart à l’époque, mais c’était vers le rallye que je voulais me diriger au plus vite. On achetait avec mes amis des « baladurettes », on les vidait et on les chaussait de pneus terre, et on s’entraînait tous les week-ends sur une spéciale improvisée à deux pas du lycée.
J’étais fasciné par Colin McRae et la Subaru Groupe A. Un style inimitable, une énorme attaque, et avec le bruit de l’Impreza en prime : je voulais faire exactement ça de ma vie, et rien d’autre.
Peux tu nous décrire ta toute première expérience en course ?
Dans l’année de mes 18 ans et pour mon premier rallye, je devais participer au Terre de Corse 2001 avec une grosse auto, mais le projet a capoté au dernier moment. Du coup, on s’est reporté sur la saison 2002 en Coupe 106. La manche d’ouverture, l’Auvergne, a été une catastrophe. Conduire à 110% une Super Cinq pourrie sur une piste au par cœur, c’était une chose, mais découvrir la prise de notes, la boue, le brouillard, une voiture de course et la gestion d’une épreuve, ça m’a fait un choc. J’étais complètement à côté de la plaque. Ça s’est très nettement amélioré quelques semaines plus tard au Diois, avec régulièrement des temps dans le top 8 des 106, sur un terrain il est vrai nettement moins dépaysant pour un Corse. Un parcours sinueux et 40° à l’ombre, je me sentais à la maison.
Quel est ton meilleur souvenir ?
J’ai adoré l’ensemble de la saison 2003 avec la Saxo T4. Quand on a reçu la voiture en début d’année, j’étais comme un gosse qui découvre Disneyland. J’avais rêvé d’une Visa Mille Pistes quand j’étais adolescent, et là j’avais l’héritière, ma quatre roues motrices à moi. Et pour ne rien gâcher, on a été de suite dans le coup avec ma copilote Sandrine Rousset. J’étais inexpérimenté et un peu caractériel, alors forcément c’était plutôt en dents de scie. On pouvait claquer un scratch dans une spéciale, se poser dans la suivante, arracher une roue dans celle d’après, et finir la journée par un nouveau scratch. Je commettais beaucoup d’erreurs, mais on se battait avec les meilleurs, et ça c’était jouissif.
J’ai notamment un souvenir ému du Diois cette saison-là. C’était une manche hors-Trophée, mais les dix meilleurs étaient engagés, il fallait absolument y être pour s’y confronter et engranger de l’expérience. Le jeudi soir précédant les vérifs et le shakedown du vendredi à Valence, on choisit avec mon père en sortant de l’avion de s’arrêter à Aix-en-Provence pour manger avec Jean-Marc Forconi. Le repas dégénère et on se prend tous les trois une cuite monstrueuse, à tel point qu’on ne sort de boite qu’à 7 heures du matin. Et il fallait encore se rendre à Valence dans la journée en mode « zombie ». Le samedi matin, dans la première spéciale, la pédale d’accélérateur se coince sous le plancher au premier virage. Toujours KO de la soirée de jeudi, je mets huit minutes à trouver l’origine du problème. Pour le classement général, c’était cuit, mais on a continué quand même, pour faire du roulage. Ça a été une idée judicieuse, puisqu’on a signé pas mal de scratchs T4, et même un scratch du général devant les WRC ! Du coup, on est bien sûr retourné dimanche soir à Aix pour fêter ces performances jusqu’à pas d’heure.
J’ai paradoxalement de meilleurs souvenirs avec la première T4 (la seconde, en 2004, qui n’était ni performante, ni fiable, a transformé la saison en cauchemar) qu’avec la 206 WRC pendant le Championnat de France 2005. J’aimais le fait de monter dans cette dernière, un vrai bel objet flatteur à l’œil, sa puissance et son efficacité démoniaques, mais c’était une voiture pour millionnaires. Je me régalais en essais, sur des bases sécurisantes, où je pouvais pousser l’auto à un rythme élevé, mais dans la boue de l’Auxerrois et de l’Auvergne, avec une caution astronomique, que j’aurais bien eu du mal à réunir en cas de pépin, et à un seul passage de reconnaissances (ce qui n’était pas, je l’ai su des années plus tard, le cas de tout le monde), c’était complètement autre chose. On se battait devant et on en était assez fier, mais je ne m’amusais pas vraiment. Je roulais à 30%, et malgré ça je serrais les fesses chaque fois que l’on s’approchait d’un arbre ou d’un mur. J’étais obligé, à cause de l’aspect financier, de jouer la sécurité, et c’est à l’inverse de ma conception des rallyes. Elle m’a laissé un goût de trop peu, j’aurais adoré pouvoir dégoupiller avec ce missile, sans me soucier des conséquences.
Actualité de Paulu-Battistu Halter
Ton actualité se situe sur quel rallye? Peux tu nous en dire plus ?
Après douze ans d’arrêt, je m’y remets tout doucement. Des rallyes de la Coupe de France, en R3, c’est que du fun. A 34 ans, je reviens pour le plaisir uniquement. J’ai déjà accroché une victoire de classe à Porto-Vecchio en février avec la DS3, et on a failli récidiver à la Coutellerie avec ma compagne Stella à mes côtés (qui disputait seulement son deuxième rallye). Malheureusement, un problème électrique a stoppé la Clio dans la dernière spéciale.
Le prochain rendez-vous, c’est le Rallye de la Côte Roannaise le 1er juillet, toujours avec la Clio R3 de Carsyst’m Racing. Et Flavien Rognon, un jeune copilote de la région, qui a déjà 62 rallyes au compteur, va remplacer Stella dans le baquet de droite, celle-ci n’étant pas disponible à cette date. La météo annonce la pluie, et comme je n’y ai jamais été confronté, ça va me permettre de peaufiner mon apprentissage de l’asphalte dans de nouvelles conditions.
4 bis. Je n’ai pas de calendrier précis pour le reste de la saison. A la base, je ne devais faire que Porto-Vecchio, juste un one-shot, parce qu’un régional à deux pas de chez moi, c’était pratique. Mais comme ça s’est super bien passé, j’ai eu envie de rouler régulièrement. J’essaie de faire un rallye par mois, en fonction de mon emploi du temps. J’aime bien venir sur le continent, ça me permet de joindre l’aspect sportif et l’aspect balade. On découvre de belles régions, des gens accueillants, et du coup on transforme chaque rallye en une semaine de vacances.
L’argent, l’avenir et les rêves
Parlons argent à présent, si tu le veux bien. Combien te coute la participation à un rallye ? Et comment finances-tu cela ?
Quand on habite en Corse, il a forcément une contrainte de tarif. Soit on roule sur l’ile, et le prix du transport bateau (assez conséquent d’ailleurs) vient s’ajouter au forfait initial du préparateur. Soit on roule sur le continent, et là on doit prévoir systématiquement les billets d’avion, la voiture de location et l’hôtel. C’est donc bien plus onéreux pour nous de courir que pour un pilote résidant au centre de la France. Le transport Corse-Continent, dans un sens ou dans l’autre, c’est notre obstacle majeur.
Lorsque j’ai arrêté de rouler en 2005, les observateurs ont cru que j’avais pris la grosse tête, que je préférais stopper ma carrière plutôt que de redescendre de catégorie. La vérité, c’est qu’à cette époque, j’étais financièrement « rasé ». Je n’avais plus les moyens ni de partir en Clio Cup, ni même en N1 sur des régionaux. Quelques années plus tard, lorsque ma situation professionnelle s’était améliorée, j’ai envisagé plusieurs fois de rouler à nouveau sur des rallyes locaux, mais je ne voulais plus sacrifier mon confort quotidien pour ça. J’aime les belles voitures, les sports mécaniques (quad et buggy SSV), les voyages, mais aussi la fête. Et désormais, il était hors de question de se serrer la ceinture toute l’année pour courir.
Globalement, je roule sans sponsors, en me finançant moi-même. Cependant, sur les rallyes situés en Corse, Ludovic Stefani, le propriétaire du Patio Porto-Vecchio, nous donne un coup de main. Mais dans l’absolu, tout ceci n’est possible que grâce à la volonté de Mickael Coudert. C’est un ami dans la vie, et on collabore aussi ensemble dans le cadre de notre profession de vendeurs de véhicules. Lorsqu’il a monté sa structure de préparation et de location de voitures de rallyes, Carsyst’m Racing, il s’est mis dans la tête de me remettre au volant d’une de ses autos. J’étais réticent au départ, je m’étais éloigné depuis si longtemps des rallyes… Mais il a insisté, m’a proposé des conditions « canons », et ça s’est finalement concrétisé en février au rallye de Porto-Vecchio, avec sa DS3 R3. Il fait d’énormes efforts à chaque fois pour rendre mes courses les moins coûteuses possibles, en cherchant lui-même des partenaires parfois. Grace à lui, je peux rouler régulièrement, et dans de belles autos, sans « complètement » me ruiner.
Quels sont tes objectifs pour l’avenir ? Pour 2018 ?
Comme ce retour n’était pas prévu du tout, et qu’on s’y est mis plutôt tard, c’est raté pour la qualification à la finale 2017. Mais l’objectif à partir de cette fin d’année, ce sera d’accumuler les points suffisants en Coupe de France pour être présents à celle de 2018. On va continuer avec la Clio R3, qui bien qu’elle soit moins rapide que la DS3, me convient mieux. C’est une voiture « à l’ancienne » qui se pilote instinctivement, et quand on manque de roulage, c’est nettement plus facile. Ceci étant dit, et comme Mike est en train de réunir un joli parc chez Carsyst’m Racing, je n’exclus pas d’aligner ponctuellement la Clio Super 1600 ou la Fiesta R5, même si ce n’est pas immédiatement d’actualité.
Quelle est la voiture que tu rêves de piloter ? La course à laquelle tu rêves de participer ?
Comme je le disais plus tôt, j’adorerais rouler à nouveau avec une 206 WRC, dans des conditions optimales et sans angoisse. J’aime la brutalité de cette auto. Indifféremment sur terre ou sur asphalte (secs bien sûr), même si les pistes du championnat terre espagnol me semblent très adaptées pour en tirer toute la quintessence. Les WRC 2017 aussi me font craquer, mais là on est carrément dans le domaine du rêve. Plus raisonnablement, un Diois en R5 ou en S2000, ça doit être sympa aussi, et cela relève bien moins de l’impossible.
Quels conseils donnerais-tu à une personne qui souhaite débuter en Rallye en 2017 ?
Je conseillerais à un jeune aujourd’hui de faire exactement l’inverse de ce que j’ai fait. Avec la crise, les partenaires financiers se raréfient. Hormis s’il est très fortuné, il ne pourra se lancer et en faire son métier qu’en remportant une formule de promotion. La formule, c’est très dur et les pilotes qui y participent sont très affutés. Il ne faut pas commencer par ça, plutôt faire deux ou trois saisons peu couteuses, même en toute petite auto et sur des terrains inconnus, pour accumuler de l’expérience. Quand il sera parfaitement prêt, rodé à la gestion de course et avec une bonne pointe de vitesse, il sera en mesure de débarquer dans une coupe et de gagner d’emblée, ce qui permettra immédiatement d’assurer la suite de sa carrière.
Le mot de la fin de Paulu-Battistu Halter
Un mot à ajouter ?
Il manque un peu de terre en France, alors qu’on a une profusion d’asphalte. Des régionaux terre, ce ne serait pas mal pour ceux qui aiment cette surface et qui voudraient jouer aux avant-postes en petite voiture. Si cela existait, j’appellerais Mike pour qu’il déniche une bonne T4 et je n’en raterais pas un.
J’aimerais aussi que les différentes fédérations en finissent avec ces brides de turbo. C’est ce qui tue la discipline au niveau médiatique. Je ne parle pas des Groupe B, qui étaient vraiment trop dangereuses. Mais en 1994, quand un spectateur se rendait sur un rallye, au mieux et s’il était chanceux, il conduisait une Escort Cosworth de 220 chevaux. Et il voyait passer des autos de 400 chevaux, ce qui créait une admiration à fois pour ces voitures, mais aussi pour les pilotes qui les domptaient. A l’époque, et hormis quelques supercars, rien n’était plus performant qu’une voiture de rallye. Il y avait un défi à les piloter, cependant elles n’étaient pas particulièrement meurtrières. Aujourd’hui, une compacte sportive plutôt répandue comme l’Audi RS3 sort 400 chevaux, quand une top R5, qui coûte 180 000 euros de plus, en développe seulement 310, et du coup ne suscite pas d’émotion particulière à son passage. Hormis les WRC 2017, qui vont enfin dans le bon sens, toutes les catégories sont touchées. Le pire reste le cas des Groupe N4, carrément moins performantes que leur modèle d’origine. Les R3T, ce n’est pas brillant non plus. Bien sûr qu’il faut réduire les coûts et toujours améliorer la sécurité, mais des voitures turbo sans bride, ça ne serait pas plus onéreux (même plutôt moins, parce que l’on pourrait se passer de tous les systèmes du style Bang-Bang etc…), et ça aurait une sacrée gueule aux yeux du grand public. Et si un père de famille peut se déplacer sur route ouverte avec une C63 AMG de 510 chevaux sans se tuer à chaque coin de rue, il n’y a aucune raison qu’un pilote de rallye ne puisse pas exploiter en toute sécurité une R5 de 400 chevaux ou une WRC de 500 chevaux en course. Les pilotes seraient encore plus admirés, et le spectacle serait de nouveau au rendez-vous.
Des personnes à remercier ?
Outre Mike Coudert et les membres de son équipe, ma compagne Stella et mon ami Ludo, je tenais à remercier les fans de rallye, les journalistes et les photographes qui nous suivent. Depuis le début de la saison, je reçois plein de messages, de photos et de vidéos, et ces marques de sympathie venant de passionnés, ça me donne envie de rouler encore plus souvent.
Merci Paulu-Battistu Halter pour ce moment passé ensemble, pour ta franchise et ta passion. Nous ne manquerons pas de suivre ta saison 2017 et tes prochaines participations à la Coupe de France des Rallyes 2017.
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