Rallye de Vaison 2015 : récit de pilote (2e partie)
Retour sur le Rallye de Vaison 2015, disputé le Week End du 28 Février au 1er mars 2015 autour de Vaison-la-Romaine, à travers le récit d’un pilote, Denis Hugues. Co-piloté par Laurent Arnaud, Denis doit composer avec une monture (Opel Manta) qui lui cause déjà quelques soucis mécaniques avant même le départ (voir l’article : Rallye de Vaison 2015 par Denis Hugues – partie 1). Suite de ce « récit de pilote » positionnant. Place à la course …
Rallye de Vaison 2015 par Denis Hugues, récit de pilote (2).
ES1 : Veaux.
Chat échaudé…gnagnagna !!! oui en 2013, je prenais une corde optimiste dès le troisième virage qui nous valait une crevaison rapide (le contraire de la crevaison lente…) et une perte sèche de 12 minutes dès le début du rallye !! Donc là, je vais rouler différemment !!
5,4,3,2,1 c’est parti !! premier freinage raisonnable pour un droite moyen bon, puis 100 mètres gauche moyen bon… l’arrière décroche au freinage, le tête-à-queue semble inévitable mais dans un sursaut d’orgueil la Manta raccroche et nous restons, plus ou moins, dans la bonne direction. Premier bout droit, je pose la 5, le rupteur se déclenche tôt, trop tôt… c’est un peu rageant mais les sensations demeurent, les enfilades et leurs cordes castratrices, j’assure, la montée et sa belle épingle droite, je câble en 2, nous enroulons cette belle courbe, je met la 3 à la relance, mais le rupteur me surprend, je réagis tardivement et pose la 4 à bas régime… bien sûr, derrière ça grimpe sévère et j’égrène psychologiquement les secondes qui s’envolent … le petit moment d’agacement passé, je m’attache à prendre du plaisir et à reprendre mes repères après de longs mois sans rouler. Petit à petit, j’appuie un peu plus mes freinages et je place l’auto plus sèchement en trajectoire, et c’est pas si mal, un 39ème temps correct pour cette première E.S., mais 9 secondes de plus que nos marques habituelles dans cette spéciale, me rappelle Laurent, qui note avec attention, année après année, les temps réalisés.
ES2 : Propiac.
Chat échaudé again…. Petit souvenir de 2005 et un plongeon douloureux …
Go !! La première partie de la spéciale est rapide et bosselée, j’adore !!!! le grip est correct malgré de nombreuses plaques de goudron noir, mais l’étroitesse de la route frôle l’indécence !!! en d’autres termes, à la moindre incartade, tu payes cash !!! Mais nous restons prudents et dans un rythme honnête, évidemment le déclenchement prématuré du rupteur s’avère pénible dans ces grandes allonges et onéreux en terme de chronomètre !!!
Nous arrivons dans la partie sinueuse et ses fameuses épingles, gros frein pour la première qui vire à droite, j’inscris mon train avant au point de corde et ouvre généreusement les gaz !!! L’auto ne dérive pas….je met ça sur le compte de la chaussée, et me jette dans l’épingle gauche qui suit, idem !! la roue intérieure oscille entre la motricité et la perte d’adhérence… frustrant et pas très efficace.. Problème d’autobloquant ??? il est neuf, mais sa technologie est différente de ce que j’ai connu jusqu’à présent. Point de disque ni de galet, mais un enchevêtrement de pignons qui font la joie des utilisateurs habituels, peut-être une simple question d’habitude justement ou de prise en main … Je peste sous ma cagoule et j’en viens, pour les épingles suivantes, à tirer de grands coups de frein à main pour les passer en glisse. Et ça va pas mal, jusqu’à l’avant-dernière qui se solde par un demi tête-à-queue (terme technique s’il en est…). 34ème temps, 13 secondes au-dessus de ma meilleure marque, mais assez satisfaisant et encourageant pour la suite !!
Retour sur Vaison la Romaine et direction l’assistance pour un petit debriefing avec notre cher mécano. On a la banane puissance 10 et il semble qu’elle soit communicative !! Jean-claude est on ne peut plus heureux de nous retrouver ainsi que son bébé (le moteur bien sur !!) !! Nous profitons des 40 minutes qui nous sont allouées pour explorer diverses pistes et peut-être résoudre ce mystère mécanique qui nous accapare l’esprit. Mais nous faisons chou blanc et décidons, lors de la prochaine session d’assistance de remplacer le capteur PMH par un autre modèle légèrement différent.
L’obscurité durcit, le parc d’assistance résonne des pout-pout des groupes électrogènes alentours, les autos de course défilent une à une dans les allées que forment les barnums estampillées des diverses marques liées au sport auto, le notre est rose, pas discret, original mais bien pratique pour se repérer et être repéré par les amis !!! Dans un vrombissement uniforme, le N°92 nous frôle les orteils … 92 … 92 !!! mais Bob et Lionel devrait déjà être là !! Un frisson nous parcours l’échine, nos yeux s’écarquillent et scrutent, au loin, les autos qui composent la file d’attente du pointage…. Point de n°90 !!! Le stress est de courte durée, nous apprenons rapidement qu’il s’agit d’un bris de cardan dans l’E.S. 2. L’instant de déception passé, et l’heure de notre pointage étant imminente, nous nous empressons de nous diriger vers le parc fermé de fin de première étape. Nous découvrons notre classement au terme de cette première journée, 37ème au scratch, satisfaits de notre ouvrage, nous regagnons nos pénates respectifs et surtout la douce chaleur d’un foyer où m’attend ma chère et tendre, notre ersatz de chien et tant qu’à faire, une bonne grosse douche !!!!
6h00 Dimanche 1er Mars … En mode giboulées … Réveil correct, pas trop la tête là où vous savez, je pointe le bout de mon nez dehors pour m’enquérir du climat…. Immédiatement une goutte vient se poser sur ma narine droite … rapidement suivie d’une cohorte de ses congénères … Mon pouce glisse sur l’écran de mon smartphone, puis se pose sur l’application météo … suspense de très courte durée… flotte toute la journée !!!
8h00 Je rentre dans le parc d’assistance, Laurent et Jean-claude sont à l’abri sous notre chapiteau. « T’as des pluies Denis ? » questionne JC. En guise de réponse, j’ouvre la porte arrière du RAV4 et d’un geste de dépit lui montre les gommes que j’utilise sur chaussée humide… Son rire me conforte dans le fait qu’il est temps que j’investisse dans des pneus pluies, que je jette ces vieux TA dont l’âge impose le respect, et que je reconsidère ma position de sudiste chauvin, en l’occurrence « Nan !! il pleut jamais dans le Sud !!! ».
9h03, sans coup férir, la Manta démarre, les essuie-glaces entament leur ballet régulier et le ventilo désembue efficacement le pare-brise !! ça part pas mal. Nouvelle assistance de 40 minutes, le Suisse se jette sur le capteur PMH, ce dernier se rend sans lutter, et se trouve très vite remplacé par un autre. « Moteur !! » s’écrie Jean-claude. Je m’exécute, laisse tourner quelques secondes à bas régime, puis balance la sauce….. 5000 tours/minute….. désespérant… les bras nous en tombent, mais nous rebondissons et revenons en arrière, nous roulerons avec le même capteur que la veille, tant pis. Il faut désormais effectuer un choix quand à la monte pneumatique, soit je conserve les slicks en gomme intermédiaire, bof….. soit j’opte pour ces fameux TA trop vieux mais dont les dessins me laissent entrevoir une meilleure évacuation de l’eau. Bof aussi, mais j’ai des souvenirs d’énormes coulées d’eau dans la spéciale de Brantes et je joue donc la sécurité en montant les TA.
ES3 : Propiac.
La pluie se renforce sur la liaison, nous suivons le joli popotin rose de la DS3 Max de Charlotte et Pauline. Nous traversons Puymeras, puis la route se dandine devant nous, l’occasion idéale de chauffer les pneus sans risquer de pénalité. Je brusque la Manta dans chaque courbe, le rendu est mauvais, la sensation de chevaucher une saucisse dans une assiette pleine de mayo…. Malgré tout, les kilomètres défilant, il me semble trouver un peu de grip au gré de l’échauffement de mes pneus. Je prends confiance alors que nous parcourons les derniers hectomètres de liaison. Laurent reçoit un Sms d’un ami posté sur l’ES3 « arrêt de course, sorti d’un VHC, 40 mns environ de retard »…
Ouais….bien fait de chauffer mes boudins…
Nous occupons cet intermède en discutant avec les autres équipages et, bien sûr, le sujet converge… Et les mots saisis ça et là ont un étonnant point commun « Gaffe », « Glisse », « Gauche très sale », « Gadoue »…. Sorte de point G rallystique, un truc de mec quoi !!!
Enfin nous nous élançons, la Manta s’arrache difficilement de la ligne de départ, son postérieur serpente longuement sur les 100 premiers mètres… l’adhérence revient et je monte les rapports, je pose timidement la 5 avant le premier gauche, léger frein, puis je rentre la 4, j’inscris l’avant qui répond convenablement, l’arrière n’apprécie guère et décroche, je parviens à récupérer les commandes et embrasse la corde suivante, ma pression sur l’accélérateur est délicate, dosée, nous attaquons la partie rapide que j’affectionne, je me loupe au freinage du pont (qui vit mon frère partir en tonneau il y a quelques années) mais parvient à conserver l’auto sur la route, la suite est difficile, très sale et piégeuse. La grande ligne droite qui précède le village, je freine tôt, rentre soigneusement dans le gauche et embarque la Manta dans une grande dérive lorsque j’aperçois Lio, l’homme du mètre soixante quinze rose (les initiés comprendront) qui nous encourage passionnément !! du coup j’en rajoute un poil, et passe pas mal de temps avec les fesses dans l’herbe, les premières épingles surviennent et sont joliment enroulées, enfin presque…. Mais cela nous permet de vérifier que la marche arrière fonctionne bien !! nous passons l’AES, le chrono est très moyen, mais nous savons, depuis l’aube, que la recherche de performance sera vaine, tant sur un point de vue mécanique que climatique, mais quel bonheur de rouler !!!
ES4 : Brantes…
Toujours ce fameux chat échaudé…. 2011, un roulement de roue qui cède et je m’emplâtre le mur de l’école…
En cette année 2015, j’ai promis à notre dédé finlandaise que je passerais cet écueil et j’y compte bien !!!
Le chronométreur nous libère, première épingle gauche qui nous relâche vers un droite « à fond », puis le gauche de l’école, je parviens difficilement à détacher mon regard de ce mur qui avait stoppé ma course en 2011, j’assure copieusement cette courbe et nous poursuivons vers le col, je bloque mes roues au freinage du lavoir, petite chaleur mais ça passe, l’épingle du col est enroulée, et nous entamons la sensationnelle et rapide descente, les premiers appuis sont très délicats, je ne sens pas l’auto, Laurent s’en rend compte et calme le rythme. Je soigne mes trajectoires et nous conservons un niveau d’attaque convenable. L’arrivée approche avec sa fameuse épingle droite, point spectacle très prisé du public mais courbe ô combien délicate à apprivoiser. Je rentre, à mon goût, sagement dans le très long gauche qui précède l’épingle, enfin, celle-ci pénètre dans notre champ visuel, je rentre la 3 et presse la pédale de frein … la réaction s’avère contraire à celle espérée, l’arrière décroche et nous tirons tout droit vers l’échappatoire, les barrières et le public … 1 seconde avant l’impact … parvenir à ôter ma patte de la pédale du milieu, choper le manche avec ma main, et espérer que l’auto pivote vers la droite…. 10 mètres…7…. 6…. Brusquement, les masses se transfèrent et la Manta déplace sa poupe de 180°…. 10 cms….il reste 10 cms…. Je met la 1 et je relance la machine pour les 50 mètres restants, le dernier gauche est géré tendrement !! Le chrono est plutôt bon et dès la sortie de zone nous échangeons avec les autres concurrents quant à leurs impressions sur les 6 kilomètres que nous venons d’affronter. Nos avis se rejoignent quand à l’absence d’adhérence, dans le même temps, un rayon de soleil vient caresser nos visages, ces derniers se parent dans l’instant de sourires laissant entrevoir une deuxième boucle bien plus intéressante.
Parc de regroupement à Vaison la Romaine, le temps de faire péter le mimi à tonton Gipeto, Pierrette et Christian et on se cale vite fait 25 centimètres de baguette de pain au préalable garni de victuailles caloriques.
40 minutes plus tard, la dernière boucle prend son envol, à commencer par un passage en zone d’assistance où nous attend patiemment un certain Jean-claude. Il ne pleut plus, certes les nuages restent au-dessus de nos têtes, mais je suis persuadé que l’épisode pluvieux est terminé et nous décidons très rapidement de monter les slicks. Nous reposons la Manta sur ses 4 roues, Laurent s’empare de la clé dynamométrique et les clacs significatifs, de cet outil de précision, se succèdent. Fin prêts !!! « On pointe dans 5 minutes » m’annonce Laurent, « Il repleut !! » s’exclame le Suisse….. en effet, et ça fait pas semblant !!! Quoiqu’il en soit, ma monte pneumatique ne peut être pire que celle du 1er tour, et puis, me dis-je, c’est toujours bon, de plus en début de saison, de tester les slicks sous la pluie.
E.S. 5 : Propiac.
Blanc bonnet et bonnet blanc avec l’ES 3, à de rares exceptions près dans la partie rapide, durant laquelle je m’offre une belle frayeur sur un appui un poil optimiste…
La montée nous donnera l’occasion de bons moments de glisse, et surtout de longs moments à manœuvrer dans certaines épingles. Mais nous parvenons à passer l’arrivée intacts et souriants. Le chrono ??? euh…..passons à la spéciale suivante si vous le voulez bien !!!
E.S. 6 : Brantes.
La der !!!! le climat n’a pas évolué d’un iota, mais les sensations reviennent bien et j’irais même chatouiller un peu le sisu pour voir s’il veut de nous !!!
Difficilement, la manta martyrise le tarmac pour s’extirper de la ligne de départ, ça glisse énormément, la première épingle gauche, le train avant souvire, je relance, agacé, mais la spéciale est longue, on va se refaire, droite « à fond » (pas aujourd’hui !!) et le gauche qui me permet de narguer ce grand mur en pierres qui m’accueillait sans délicatesse il y a quelques années…. Grand coup de câble pour l’épingle droite du village, j’enroule, exagérément, mais le plaisir passe aussi par là, je relance, une nouvelle pensée à dédé à laquelle j’ai promis qu’elle me verrait passer 2 fois en ce dimanche pluvieux, promesse tenue dédé !!! Le petit bout droit avant l’auberge, il en manque, en effet le moteur semble toussoter…. De nouveau, je me paye un freinage de merde au gauche du lavoir, mais, de nouveau, ça passe !!! L’épingle droite du carrefour, grosse glisse, on attaque le faux-plat qui précède la descente, ça va envoyer du pâté !! Léger frein pour le grand droite du plateau, gaz !! 3500 tours/minute, 4000 tours, pas plus…. J’insiste très brièvement, mais l’auto n’a plus de pêche, un regard vers Laurent, « Laisse tomber Zan, ça ne sert à rien de forcer et de casser quelque chose », il accompagne ses mots d’un geste du bras droit destiné à glisser le cahier de notes dans le filet de portière… Sage décision, je cale la 5 et on se laisse descendre gentiment jusqu’à l’arrivée, bien sûr je rive un œil dans mon rétro pour ne pas gêner le concurrent suivant, mais il ne nous rejoindra qu’au point stop.
Un brin déçus, mais tellement heureux d’avoir « remis ça » ensemble que c’est souriants que nous roulons vers le parc d’arrivée final. Une petite pause en bord de route, pour contacter notre Suisse préféré et lui narrer les derniers évènements, remettra en question notre entrée au parc de fin d’épreuve, en effet, Jean-claude, beaucoup plus déçu que nous, souhaite attaquer la partie de mécanique au plus tôt et débusquer ces loups qui ont hantés notre course de début de saison.
2 heures plus tard je regagne mon doux foyer alors que les entrailles de la Manta sont déjà exhibées à ce mécanicien tellement passionné et attachant. Rendez-vous est pris pour le Rallye de Venasque les 18 et 19 Avril en souhaitant passer un aussi sympathique week-end que celui qui vient de se terminer.
Denis Hugues
Ouaaaa j’ai beaucoup aimé !!! C’est top.
On s’y croirait vraiment dans cette manta !!!
Super !
Super récit qui m’ont fait remonté quelque souvenir de cette voiture atypique et de sont équipage comme un bidon d’essance posée sur le toit au rallye du mistral ou avoir entendu dire qu’il avait oublié les notes sur le toit au départ d’une special mais aussi de très beau passage en special.
Continiué a nous faire rêvez et au plaisir de revoir la mantat
Article très intéressant et super bien écrit ! On y était presque 🙂 !!
Bravo pour ce témoignage et à quand le prochain Jmi 🙂 ?
Merci. Pour le prochain, nous y travaillons déjà 😉
Roooh putin que c’est bon de te relire denis, je suis tombé par hazard sur cette page, et je me régale toujours autant de lire tes récits.
Que de souvenirs!!!
Me languis déjà de lire le récit du vénasque!